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Construire, réparer, restaurer la vie de corps

Texte de Pauline Lisowski

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Le travail artistique d’Aude Borromée découle d’un cheminement profond, de connexions de son corps avec un support et des matériaux de l’ordre de la construction. C’est d’abord par la peinture que l’artiste exprime des souvenirs et des images marquantes lors de marches attentives à l’environnement. Dans ses toiles, les couleurs se rencontrent dans un processus de stratification, de recouvrement, telle l’expression de la fragilité des milieux que nous habitons et d’une certaine vitalité : celle de l’urgence d’agir. Une ruine architecturale apparaît, esquissée à l’encre, des fragments de bâtis, un monde en proie à un phénomène dévastateur.

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Le corps, qu’il soit humain, animal, végétal, architectural, est au centre de sa démarche artistique. L’artiste dialogue avec son matériau, un grillage malléable et rigide à la fois. Par ses gestes de plis et de torsions, elle fait émerger un volume, tel un corps à partir duquel des images d’organismes vivants, de paysages, de formations géologiques peuvent surgir. Elle emploie avec une grande liberté la corde d’un millimètre de diamètre, développe un vocabulaire de nœuds et de torsions, avec lesquels elle crée des interactions avec le grillage. Ces deux matériaux, tous deux liens, semblent s’apporter l’un l’autre ou avoir besoin l’un de l’autre. Ses sculptures sont semblables à des structures qui se tiennent tout en étant à la limite de s’effondrer. Elles évoquent un processus de vitalité, de réparation, de prolifération.

 

​Dans certaines œuvres en volume, la corde tissée, liée, nouée est à l’image d’un être vivant en train de coloniser un espace naturel, un milieu (Lichens). Dans d’autres, la maille construit des excroissances ou bien des cellules (Abris). Dans d’autres encore, des formes font penser au modelage d’une matière naturelle. Un processus de transformation, de régénération se donne à voir, comme si la nature rencontrait le bâti. Un mouvement entre ouverture et fermeture, entre extension et compression, telle l’expression d’un souffle vital se ressent face à ses œuvres… Une dimension pariétale, une énergie, des forces telluriques s’expriment également.

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L’artiste tend à poursuivre le phénomène de métamorphose au sein de ses œuvres. Elle enveloppe ses sculptures et crée leurs empreintes, témoins d’une situation, d’une posture, d’une interaction, d’une présence avec un milieu, de traces incarnant le passé d’un territoire.

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Dans la série d’œuvres Corps architecturés et leurs vestiges, Aude Borromée confronte une plaque d’acier laquée et un grillage, inséré dans une ouverture. Par une diversité de points réalisés avec sa corde, la sculptrice fait naître et grandir un conglomérat de matières. Une nouvelle peau recouvre ce fragment architecturé. Ces sculptures expriment la restauration, le travail de l’homme ou la croissance de végétaux qui s’agrippent entre eux et renforceraient ainsi une façade dégarnie. Inspiré de reliques ou d’autels, un pendant constitue le vestige sublimé, la mémoire d’un résidu témoin d’une histoire. Ce travail artistique s’apparente à une tentative de préserver ce qui a été et d’offrir un soutien à cet élément fracturé.

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En somme, les œuvres d’Aude Borromée suggèrent une vie en latence, un état entre ruine et reconstruction, un cycle de transformation, un devenir. Elles font corps avec l’espace qui les accueille.

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Pauline Lisowski

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